Manque de main d’œuvre dans le domaine de la pose de revêtements de sols : nos conseils aux entreprises

24 février 2022 | Conseils aux entreprises

Comme d’autres branches cousines dans la construction, la pose de sols et de parquets peine à trouver sa relève en Suisse romande. Mais des solutions existent et le métier présente des atouts évidents que les entreprises actives dans le domaine peuvent contribuer à faire connaître.

Avec plus de 30 ans d’expérience à la tête de l’entreprise familiale qu’il gère avec son frère, William Berseth est un homme rompu à l’exercice de la pose de revêtement de sols. A celui de trouver des collaborateur·trice·s compétent·e·s aussi.

Cela ne l’empêche pas de déchanter en ce moment. «C’est la première année que je n’ai pas enregistré la moindre demande de stage dans l’entreprise, déplore l’entrepreneur de Marchissy. Recruter un·e poseur·euse de sols revient à trouver la perle rare aujourd’hui.»

Ce constat est partagé par bon nombre de ses confrères et consœurs. À l’image du secteur de la construction de manière plus générale, le domaine de la pose de sols et de parquets souffre d’un manque chronique de main d’œuvre – et plus particulièrement de main d’œuvre qualifiée. S’il manque des professionnel·le·s formé·e·s sur le marché aujourd’hui, c’est que la branche n’a pas su attirer les jeunes talents hier : à nous de rectifier le tir pour l’avenir!

Des jeunes à aller chercher…

L’une des principales raisons de ce désamour apparent tient toutefois à un facteur externe: la dévalorisation de la formation duale. Ces dernières décennies, la plupart des politiques publiques ont plutôt fait la part belle aux hautes études. Moins à l’apprentissage.

C’est particulièrement criant dans le canton de Vaud où seuls 21% des jeunes entament un apprentissage au sortir de leur école obligatoire. Un pourcentage infime par rapport aux réalités du marché du travail. La preuve: cinq ans après la fin de leur scolarité, 54% des ados vaudois effectuent une formation professionnelle.

Cette énorme différence (33% tout de même !) laisse entrevoir un phénomène de société: les jeunes – et bien souvent leurs parents – ne sont plus attiré·e·s par l’apprentissage. Mais la majorité d’entre eux·elles finit quand même par en faire un.

Pour la branche de la pose de revêtements de sols, c’est évidemment problématique. Mais cette situation peut aussi être vue comme une opportunité: bon nombre de jeunes n’ont pas de voie professionnelle toute tracée et se questionnent.

«Il faut réussir à entrer en contact avec la nouvelle génération pour les intéresser. Et pour ça, il faut utiliser les médias qu’ils utilisent, se rendre visibles sur les plateformes d’emploi et lors des salons des métiers. Et puis, faciliter les possibilités de stage au maximum. C’est un des meilleurs moyens d’attirer les jeunes», avance Patrick Masserey, chef d’entreprise à Neuchâtel.

… Et leur faire envie !

Soyons clairs: le métier n’a pas à rougir. Mais à l’instar de la formation professionnelle, il n’est pas évalué à sa juste valeur.

Pour les professionnel·le·s, il s’agit donc d’afficher la beauté de la profession. De revendiquer un artisanat encore trop méconnu. «Il y a une dimension très créative que les gens ne saisissent souvent pas d’emblée, avance l’entrepreneur neuchâtelois. Mais poser un revêtement de sol a quelque chose de magique. On arrive dans une pièce vide ou en mauvais état et on la quitte flambant neuve. C’est un sentiment gratifiant que d’avoir réalisé une prestation concrète. Tout comme la reconnaissance directe des client·e·s.»

À ce titre, entretenir une bonne image de son entreprise est un axe de travail indispensable pour rester attractif sur le marché de l’emploi. Le contact avec la clientèle, son personnel et ses fournisseurs sont autant de relations qu’il est prioritaire de soigner

Si le bouche à oreille est bien souvent la meilleure des publicités, la présence sur internet est aussi un atout qui peut faire la différence. Avec des canaux de communication toujours plus nombreux, il vaut toutefois mieux se concentrer sur un site internet moderne et efficace, que disperser des ressources limitées sur une multitude de réseaux sociaux.

Sortir des sentiers battus

Dans un contexte de main d’œuvre tendu, il peut aussi être intéressant de tenter de nouvelles expériences. «J’ai souvent trouvé d’excellents apprentis là où beaucoup ne prennent pas la peine de chercher. Les jeunes sortis de scolarité plusieurs années plus tôt, qui peinent à trouver leur voie et ne travaillent pas peuvent se révéler être d’excellentes surprises», souligne Davide Bellini, président du Groupe romand des parqueteurs et poseurs de sols.

Même son de cloche du côté des Offices régionaux de placement. Ceux-ci invitent les entreprises à s’annoncer auprès d’eux, à collaborer avec ouverture et souplesse sur le profil de la potentielle recrue, et éventuellement à s’adapter à un marché du travail difficile.

Un employeur peut aussi contacter de lui-même des organismes de réinsertion. L’initiative est d’autant plus intéressante que des programmes d’aides existent – à des échelles variables – dans chaque canton romand.

Dans l’exemple vaudois, certaines organisations financées par l’Etat vont jusqu’à proposer gratuitement la prise en charge des contraintes administratives pour les apprentis qui ont été suivis dans une mesure d’insertion.

Ouverture d’esprit

À entendre bon nombre de chef·fe·s d’entreprise, les personnes migrantes font également figure de candidat·e·s intéressant·e·s. Ces jeunes recherchent souvent activement un emploi et poursuivent l’ambition de devenir indépendant·e·s financièrement. «Il y a un travail d’ouverture d’esprit à fournir tant du côté de l’employé·e que l’on engage que de l’entreprise, mais cela se passe en général très bien», estime Patrick Masserey, qui a répondu favorablement à plusieurs demandes de stages de jeunes d’origine érythréenne.

Chaque région encadre à sa manière les personnes migrantes. La meilleure manière de faire pour une entreprise consiste tout simplement à joindre le service de la population ou de l’action sociale de son canton, et expliquer que l’on est intéressé à engager quelqu’un. «Après une demande, nous effectuons une recherche en fonction des besoins et des envies des différentes parties et nous recontactons l’employeur, généralement dans les deux jours», explique Rachel Berry, co-responsable du pôle orientation et emplois à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM).

Et celle-ci tient également à rassurer : «Les personnes qui sont suivies par notre service sont déjà passées par plusieurs étapes, elles ne sont pas arrivées en Suisse la veille. Généralement, les potentielles recrues ont au minimum un niveau de français A2, ce qui leur permet de s’expliquer, de comprendre des consignes courtes et d’évoluer dans le milieu professionnel.»

Bien sûr, l’intégration prend du temps et des problématiques liées aux fragilités psychologiques ou des difficultés liées à l’apprentissage d’un métier peuvent être rencontrées. Mais l’EVAM propose différentes réponses à ces scénarios. «On peut par exemple participer financièrement au salaire à hauteur de 50% pendant six mois, poursuit Rachel Berry. Cela permet à la personne employée de commencer un contrat de travail tout en lui laissant le temps d’apprendre et de devenir rentable

Perpétuer un savoir-faire

Enfin, à l’heure où l’apprentissage est souvent dépeint comme une voie de garage réservée à celles et ceux qui ne réussissent pas à l’école, il est temps de remettre l’église au milieu du village : en Suisse, le CFC ouvre une voie royale à d’autres fonctions plus certifiées. «La formation continue offre des perspectives extrêmement intéressantes et les jeunes ne s’en rendent pas forcément compte. À nous de les en prévenir», estime Davide Bellini.

Et pour la profession au sens large, promouvoir ces débouchés auprès des jeunes est une formule gagnant-gagnant, car ils constituent la meilleure manière de renouveler la profession. Un avis que partage Patrick Masserey. «Suivre de près ses employé·e·s, observer les capacités et l’envie de chacun, et les pousser à se former en fonction, c’est ce qui permettra de perpétuer notre savoir-faire !»

7 idées pour faciliter votre recrutement

  1. Se rendre visible sur les plateformes d’emploi (notamment yousty.ch, orientation.ch) et lors des salons des métiers.
  2. Investir dans un site web moderne et efficace pour renvoyer une bonne image du métier et de votre entreprise aux jeunes qui se questionnent sur notre domaine d’activité. La jeune génération est très sensible aux designs épurés et impactants… Faites leur envie avec de belles images ou de petites vidéos ! Vous pouvez également intégrer des informations sur l’ambiance de travail dans votre entreprise ou des témoignages d’apprenti·e·s qui ont effectué leur apprentissage à vos côtés par le passé.
  3. Faciliter les possibilités de stage, par exemple en intégrant un formulaire de demande de stage sur votre site web.
  4. Ne pas s’éparpiller sur les réseaux sociaux. Si vous avez les ressources, en choisir un (Instagram ou TikTok, les plateformes préférées des 15-20 ans) et y consacrer le temps et les moyens nécessaires. Il est intéressant de constater que des poseur·euse·s de sols sont devenus de vrais influenceurs sur TikTok, rassemblant des milliers de followers. La preuve que le métier peut séduire, mais une telle présence sur les réseaux sociaux demande beaucoup d’investissement.
  5. Entretenir de bonnes relations avec votre réseau professionnel et parler des opportunités de stage et d’apprentissage autour de vous: vous connaissez peut-être sans le savoir un oncle ou la maman d’un jeune à la recherche d’une place!
  6. Oser sortir des sentiers battus, en recrutant des personnes au chômage, migrantes ou des jeunes un peu plus âgés. Dans votre canton, des aides à l’insertion existent et vous pouvez vous annoncer auprès des ORP ou centres d’accueil de votre région afin qu’ils vous aident dans vos démarches.
  7. Mettre en place une politique de formation proactive dans votre entreprise, afin de fournir des opportunités d’évolution à vos collaborateur·trice·s actuel·le·s, leur donner envie de rester et participer au développement des compétences de toute la branche.